Calvin Russell est décédé hier d’un cancer du foie. Une maladie de pauvre aurait dit Coluche…Logique pour celui qui a chanté la marge, la déglingue et la misère une grande partie de sa vie. Avec Calvin qui s’en va, on perd un ami. Personnellement, sa musique aura pansé pas mal de plaies. Il m’a accompagné durant mes heures sombres, soigné par sa voix grave et chaude.
Calvin est né au Texas, en 1948. Il passe son enfance dans le bar -restaurant où travaillent ses parents. A 12 ans, il monte son premier groupe de rock mais attrapé par le démon de la route, il fugue et passe son adolescence à faire des conneries. Moitié hobo, moitié délinquant, son refus du conformisme le conduira à passer de nombreuses années au frais.
A la fin des années 80, se présente le « crossroads », ce carrefour qu’il a tant de fois chanté. A Austin, où il se produit dans le circuit des musiciens country, il recontre Patrick Mathé, le co- fondateur du label français New Rose. Ce label, véritable dénicheur d’outsiders et autres cramés du rock & roll, a déja signé d’illustres punks tels que Johnny Thunders ou Jeffrey Lee Pierce. Mathé met vite le grappin sur Calvin Russell et va l’aider à produire ses deux premiers albums « A Crack in time » et « Sounds for the fourth world ».
Héritier légitime de Leadbelly, chroniqueur social aussi talentueux que Woody Guthrie, il est également un cousin musical des Outlaws country comme Cash, Jennings, Nelson et Kristofferson. Malgré un talent certain, un charisme scènique indéniable, il ne perce pas aux USA. Trop sulfureux, son mode de vie et son goût pour l’herbe le conduisent trop souvent en prison. Il joue une musique de noir et a en en plus le défaut d’être en partie de sang comanche. Ca fait beaucoup pour un texan mais c’est l’idéal pour impacter de plein fouet un public français, qui raffole de ce type de personnage, le héros maudit et solitaire de l’Ouest ! Le succès en Europe ne le quittera plus. Il sillonnera inlassablement les routes européennes jusqu’à sa mort ce dimanche 3 avril.
Calvin Russell n’était pas le génie du blues. Il avait certainement tout dit sur ses quatre premiers albums mais c’est dans sa voix que se trouvait l’essentiel. Il était de ces artistes, comme Johnny Cash, Bruce Springsteen ou Mano Solo qui trimballent une mémoire collective dans le grain de leurs vocalises , ce supplément d’âme qui vous transporte si loin dès qu’ils ouvrent le bec. C’était donc sur scène qu’il explosait, sur la route, toujours, clochard céleste, troubadour infatigable qui a fini par s’arrêter à un autre carrefour.
Te voila Calvin, à nouveau devant ce putain de crossroads ! Dans ta chanson, tu disais qu’une route mène au paradis, une route mène à la douleur, une route mène à la liberté mais cette fois-ci, je sais que tu as trouvé la bonne. Adieu l’ami, je pleure et je ris.